Le Code civil encadre strictement les droits des mineurs en matière de succession. Toutefois, il est parfois complexe d’appréhender la manière dont ses droits s’appliquent concrètement, notamment en ce qui concerne la part réservataire, l’administration légale et la gestion des biens hérités. Cet article a pour objectif de clarifier les droits successoraux des enfants mineurs et les mesures de protection qui leur sont accordées.
La part réservataire des enfants mineurs dans une succession
Les enfants, mineurs ou majeurs, sont des héritiers réservataires. Cela signifie qu’il leur revient obligatoirement une part du patrimoine, en cas de décès de l’un de leurs parents ou des deux. Cette part représente la réserve héréditaire, le reste du patrimoine étant considéré comme la quotité disponible.
La réserve héréditaire est calculée en fonction du nombre d’enfants. Elle correspond à :
- la moitié du patrimoine en présence d’un seul enfant ;
- les deux tiers s’il y a deux enfants ;
- les trois quarts pour trois enfants ou plus.
L’administration légale des enfants mineurs en cas de décès d’un ou des deux parents
L’article 388-1-1 du Code civil dispose que « l’administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes ». Cette administration légale est dévolue aux parents en tant que titulaires de l’autorité parentale (article 382 du Code civil).
C’est le parent survivant qui endosse le rôle d’administrateur légal de l’enfant mineur. Si les deux parents décèdent en même temps, le juge aux affaires familiales (ex-juge des tutelles) est alors tenu d’ouvrir une tutelle pleine et entière, tel qu’il est prévu à l’article 390 du Code civil. C’est le juge des tutelles qui est chargé de désigner les membres du conseil de famille pour la durée de la tutelle et « même en présence d’un tuteur testamentaire et sauf vacance, la tutelle est organisée avec un conseil de famille » (article 398 du Code civil).
En effet, selon l’article 403 du Code civil, tout parent a le droit de nommer de son vivant un tuteur à ses enfants dans l’hypothèse où il viendrait à décéder avant que ceux-ci soient majeurs. Cette décision doit prendre la forme d’un testament ou d’une déclaration spéciale devant notaire. Dans ce cas, on parle de tutelle testamentaire. Elle s’impose au conseil de famille, sauf si l’intérêt du mineur exige de l’écarter.
Si rien n’a été prévu, la tutelle sera dative. Cela signifie que c’est le conseil de famille qui désignera un tuteur au mineur (article 404 du Code civil).
Le rôle de l’administrateur légal de l’enfant mineur lors d’une succession
C’est le parent survivant ou le tuteur, si les deux parents décèdent, qui exercent l’administration légale et à ce titre, ils doivent régler la succession en son nom. Il existe trois options et un délai de 4 mois à compter de l’ouverture de la succession pour prendre une décision. Au-delà de cette période, les créanciers du défunt, ses éventuels cohéritiers ou héritiers de rang subséquent, voire l’État, sont en mesure de mettre l’administrateur légal de l’enfant mineur en demeure de se positionner, et ce dans un délai maximum de 2 mois.
Bon à savoir : si personne ne contraint l’administrateur légal à faire un choix, le mineur dispose d’un délai de 10 ans pour se prononcer. Faute de quoi, il sera considéré qu’il a renoncé à la succession.
L’acceptation pure et simple de la succession
L’administrateur légal doit demander l’autorisation au juge des affaires familiales pour accepter la succession au nom du mineur (article 387-1, 5°, du Code civil).
Si le juge donne son accord, il peut alors accepter purement et simplement la succession sous forme expresse, ce qui nécessite un écrit (acte sous seing privé ou acte authentique).
Bon à savoir : le fait de réaliser certains actes de disposition sur les biens successoraux (vente d’un objet faisant partie de la succession par exemple) revient à accepter la succession, de manière tacite.
L’acceptation à concurrence de l’actif successoral net
Dans ce cas, il n’est pas nécessaire que le juge aux affaires familiales donne son autorisation. La demande d’acceptation à concurrence de l’actif successoral net doit être faite auprès du greffe du tribunal judiciaire du dernier domicile du défunt et le mineur héritera des biens du défunt sans être tenu aux dettes de celui-ci.
La renonciation à totalité de la succession
Cette option successorale nécessite l’accord du conseil de famille pour le tuteur ou une autorisation du juge aux affaires familiales. Cette renonciation doit être déclarée au greffe du tribunal du dernier domicile du défunt ou devant le notaire. C’est l’option généralement choisie si la succession est déficitaire.
La gestion des biens hérités par un enfant mineur
L’administrateur légal des biens de l’enfant mineur est soumis à des contrôles pour garantir la bonne gestion des biens.
Ainsi, l’article 385 du Code civil dispose que « l’administrateur légal est tenu d’apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur », et ce jusqu’à sa majorité.
Si les intérêts de l’administrateur légal se trouvent contraires à ceux du mineur, le juge désigne alors un administrateur ad hoc pour le représenter.
Les mesures complémentaires pour la protection des droits des enfants mineurs
Il est possible d’insérer dans un testament une clause d’inaliénabilité temporaire sur les biens hérités par un enfant mineur empêchant leur vente jusqu’à une certaine date ou un certain âge.
Il est également envisageable de faire une donation-partage anticipée en faveur des enfants mineurs, ce qui permet de régler la succession de manière équitable, tout en prenant en compte les besoins de protection des mineurs.
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