Lorsqu’une personne « est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté » (articles 425 et 494-1 du Code civil), une habilitation familiale peut être mise en place par le juge pour qu’elle soit assistée ou représentée dans l’accomplissement de ces actes. Entrée en vigueur le 1er janvier 2016, cette mesure de protection redonne à la famille une place prépondérante dans la protection des personnes vulnérables. La personne désignée pour représenter et accompagner un proche dépendant va ainsi pouvoir agir en son nom et accomplir certains actes pour son compte afin de préserver ses intérêts personnels et patrimoniaux.
Cette habilitation peut être totale ou partielle. Contrairement à la sauvegarde de justice, la curatelle ou la tutelle, il ne s’agit pas d’une mesure de protection juridique. Elle n’est ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité afin de protéger les intérêts de la personne si une procuration ou un mandat de protection future ne sont plus suffisants. Une fois délivrée, le juge n’a en principe plus à intervenir.
Qui est concerné par l’habilitation familiale ?
Toute personne qui n’a plus la capacité de protéger ses intérêts suite à une dégradation de ses facultés physiques ou mentales, constatée par un médecin. Par exemple : personne en situation de handicap ou ayant la maladie d’Alzheimer.
La personne habilitée à l’assister ou le représenter est bien souvent un membre de sa famille :
- Conjoint, partenaire ou concubin
- Ascendants (parents, grands-parents)
- Descendants (enfants, petits-enfants)
- Frères et sœurs
L’habilitation peut être donnée à plusieurs membres de la famille. Les missions de chacun sont alors déterminées par le juge.
La personne habilitée exerce sa mission gratuitement. Elle est responsable vis-à-vis de la personne protégée et doit répondre des fautes éventuelles qu’elle commettrait dans sa gestion, qu’elles soient volontaires ou non. Cette responsabilité est cependant atténuée par rapport à celle d’un mandataire dans le cadre d’une mesure de protection juridique.
Quelle est la procédure à suivre pour la mettre en place ?
Délivrance d’un certificat médical circonstancié
Il faut tout d’abord obtenir un certificat médical circonstancié auprès d’un médecin figurant sur une liste établie par le Procureur de la République. Cette liste peut être obtenue auprès du greffe du tribunal judiciaire du domicile de la personne à protéger.
Ce certificat médical décrit l’altération des facultés de la personne et l’évolution prévisible de cette dégradation, en précisant les conséquences et la nécessité d’être assisté ou représenté, et en indiquant si la personne est apte à expliquer sa situation.
Le médecin rédigeant le certificat médical circonstancié peut demander l’avis du médecin traitant de la personne à protéger.
Ce certificat est remis au requérant sous pli cacheté à l’attention exclusive du Procureur de la République ou du juge des contentieux de la protection.
Requête auprès du juge des contentieux de la protection
Une requête doit être déposée auprès du juge des contentieux de la protection du tribunal situé dans le ressort du domicile de la personne à protéger.
Cette requête peut être déposée par la personne elle-même, par tout membre de la famille de la personne à protéger ou par le Procureur de la République à la demande de l’un d’eux.
Le dossier doit comporter un certain nombre de documents :
- Copies recto verso de la pièce d’identité de la personne à protéger et du demandeur
- Copie intégrale de l’acte de naissance de la personne à protéger datant de moins de 3 mois
- Le cas échéant, copie de l’acte de mariage, du contrat de mariage ou de la convention de pacs de la personne à protéger
- Certificat médical circonstancié
- Le cas échéant, copie du mandat de protection future établi par la personne à protéger ;
- Formulaire de demande cerfa n°15891*03
- Tout document permettant de justifier le lien de parenté entre la personne à protéger et le demandeur (ex : copie du livret de famille)
- Copie recto verso de la pièce d’identité et justificatif de domicile de la personne souhaitant remplir les fonctions de personne habilitée
- Lettres des autres membres de la famille donnant leur accord à cette nomination
Instruction de la requête
À réception de la demande, le juge va l’examiner et auditionner la personne à protéger, sauf s’il estime après avoir recueilli l’avis du médecin que cette audition risque de porter atteinte à la santé de la personne ou si elle n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté (ex : si la personne est atteinte de la maladie d’Alzheimer).
Le juge va également s’assurer que les proches de la personne à protéger sont d’accord ou du moins ne s’opposent pas à cette mesure.
Décision du juge
Le juge va choisir la personne habilitée, et déterminer la durée et l’étendue de son habilitation en précisant s’il aura une mission de représentation ou d’assistance de la personne, et en prenant en compte l’intérêt patrimonial et personnel de la personne à protéger.
Dans le cas d’une mission de représentation, il prend les décisions dans l’intérêt de la personne. Dans le cas d’une mission d’assistance, il aura seulement un rôle de conseil. Il est possible de faire appel de sa décision dans les 15 jours suivant sa notification.
À noter : une mesure de protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle) peut, après avis de la personne en charge de la mesure de protection (mandataire, curateur ou tuteur) être remplacée par une mesure d’habilitation familiale si les conditions de cette habilitation sont réunies. À l’inverse, le juge peut ordonner la mise en place d’une mesure de curatelle ou de tutelle s’il estime que l’habilitation familiale n’est pas suffisante pour protéger la personne vulnérable.
Quels sont les effets de l’habilitation familiale ?
La personne habilitée peut être autorisée à exercer une mission d’assistance de la personne vulnérable ou bien de représentation
S’il s’agit d’assister la personne vulnérable, la personne habilitée va alors intervenir aux côtés de la personne protégée en jouant un rôle de conseil et co-signera les actes importants avec la personne à protéger.
En cas de représentation en revanche, elle agit en lieu et place de la personne à protéger.
Le juge peut également déterminer que la personne habilitée aura une mission d’assistance pour certains actes et de représentation pour d’autres en fonction des besoins de la personne à protéger.
Les effets vont également différer selon que l’habilitation est générale ou bien limitée à certains actes
L’habilitation générale
En cas d’habilitation générale, la personne habilitée va pouvoir accomplir l’ensemble des actes d’administration (actes de gestion courante tels que conclusion d’un bail d’habitation, entretien d’un bien immobilier, ouverture ou suivi d’un compte) et de disposition (actes engageant le patrimoine de la personne tels que la vente d’un immeuble ou la souscription d’un prêt). À noter que les actes de disposition à titre gratuit (donations) nécessitent l’autorisation préalable du juge des contentieux de la protection.
L’habilitation a dans ce cas une durée limitée qui ne peut excéder 10 ans. Elle peut être renouvelée pour une même durée sur présentation d’un certificat médical circonstancié. Elle peut dans certains cas être renouvelée pour une durée plus longue, qui ne peut excéder 20 ans, si l’état de santé de la personne n’est pas susceptible de s’améliorer. Le juge devra pour cela prendre l’avis d’un médecin figurant sur la liste établie par le Procureur de la République et argumenter sa décision.
L’habilitation familiale générale est portée en marge de l’acte de naissance de la personne à protéger.
L’habilitation limitée
L’habilitation peut être limitée à certains actes
- Actes d’administration ou de disposition (autres que des donations qui nécessitent l’autorisation préalable du juge)
- Actes personnels touchant la personne (ex : intervention médicale)
La personne protégée peut alors accomplir les actes qui ne sont pas confiés à la personne habilitée.
À noter : la personne habilitée ne pourra pas accomplir un acte qui la placerait en opposition d’intérêts avec la personne à protéger, sauf autorisation expresse du juge si l’intérêt de la personne protégée l’exige.
Dans tous les cas, certains actes requièrent l’autorisation du juge des contentieux de la protection :
- Actes de disposition à titre gratuit (donations)
- Actes de disposition (vente ou location) portant sur la résidence principale de la personne protégée
- Renonciation à succession déficitaire
- Actes portant gravement atteinte à la vie privée de la personne protégée et qui impliquent un consentement strictement personnel (déclaration ou reconnaissance d’un enfant, actes d’autorité parentale, déclaration de choix ou de changement de nom d’un enfant, consentement à adoption)
- Annulation ou modification d’un acte conclu par la personne protégée et qui est contraire à ses intérêts
- Acte entraînant un conflit d'intérêt entre la personne protégée et la personne habilitée
Enfin, certains actes ne pourront pas être accomplis par la personne habilitée :
- Acheter ou louer à titre personnel un bien appartenant à la personne protégée
- Réaliser des opérations commerciales pour son compte sur des biens appartenant à la personne protégée
- Renoncer ou céder un droit en viager détenu par la personne protégée
- Souscrire un acte de caution (qui engage la personne protégée à rembourser une dette pour le compte d’une autre personne débitrice si elle ne paye pas (ex : loyer, prêt bancaire)
- Souscrire un contrat d’assurance décès pour la personne protégée.
De même, durant toute la durée de la mesure de protection, la personne protégée ne pourra pas accomplir certains actes tels que :
- Établir un mandat de protection future pour elle-même ou quelqu’un d’autre
- Donner procuration sur ses comptes bancaires à une autre personne
- Conclure seule des actes d’administration ou de disposition
À noter : la personne habilitée peut solliciter l’aide des services d’aide et de soutien aux tuteurs familiaux (ISTF) pour exercer sa mission.
L’habilitation familiale prendra fin au décès de la personne protégée ou dans certaines situations :
- Mise en place d’une mesure de protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle)
- Jugement de mainlevée de l’habilitation prononcé par le juge sur requête de la personne protégée elle-même, du Procureur de la République ou d’un proche de la personne protégée si les conditions de l’habilitation ne sont plus remplies ou que l’habilitation est contraire aux intérêts de la personne protégée
- En cas d’habilitation générale, à l’expiration du délai fixé si elle n’est pas renouvelée
- En cas d’habilitation limitée, après accomplissement des actes pour lesquels elle avait été mise en place