La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME, dite loi Dutreil, a introduit, dans son article 58, un droit de préemption pour les municipalités, pour les aider à conserver les petits commerces de proximité dans le centre des villes. Découvrez les principes et modalités d’exercice du droit de préemption commercial des communes.
Principes généraux du droit de préemption commercial des communes
L’article L214-1 du Code de l’urbanisme dispose que « Le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité à l’intérieur duquel sont soumises au droit de préemption […] les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux ». Ce périmètre peut concerner le centre-ville ou uniquement un quartier, une rue…
Le décret n° 2009-753 du 22 juin 2009 a étendu ce droit sur les terrains qui accueillent ou sont destinés à accueillir des commerces dont la surface de vente se situe entre 300 m2 et 1 000 m2.
Démarches obligatoires avant la cession d’un bien situé dans le périmètre de sauvegarde
Toute personne désirant céder un fonds de commerce, un fonds artisanal, un bail commercial ou un terrain situé dans le périmètre de sauvegarde doit en informer la commune. Cette démarche s’effectue par le biais d’une déclaration préalable de cession qui doit parvenir au maire de la municipalité :
- soit sous la forme d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;
- soit par voie électronique ;
- soit en la déposant en mairie contre la remise d’un récépissé.
Ce document doit comporter les éléments suivants :
- le prix de vente envisagé et les conditions de la cession ;
- l’activité exercée par l’acquéreur pressenti ;
- le nombre de personnes employées par le cédant et la nature de leur contrat de travail ;
- le chiffre d’affaires du cédant.
Bon à savoir : si la déclaration préalable de cession n’est pas réalisée, la vente peut être annulée.
Modalités d’exercice du droit de préemption commercial par les municipalités
La commune bénéficie d’un délai de 2 mois pour exercer son droit de préemption.
La commune décide de ne pas préempter
Dans ce cas, passé le délai qui lui était imparti, le cédant est libre de vendre son bien à un autre acquéreur au prix et aux conditions fixées dans la déclaration de cession avec l’acquéreur pressenti.
La municipalité décide de préempter
Elle doit faire part de sa décision motivée au vendeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie électronique. En effet, l’article L210-1 du Code de l’urbanisme dispose que « Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé ».
Dans le cas où le vendeur du fonds de commerce ou artisanal est locataire de ses locaux, le bailleur doit recevoir une copie de la décision de préempter. Si la commune préempte au prix et aux conditions qui sont fixées dans la déclaration de cession, la vente est parfaite et l’acte de vente peut être conclu.
Obligation de rétrocéder le bien préempté
L’article L214-2 du Code de l’urbanisme prévoit que la rétrocession doit intervenir « dans le délai de deux ans à compter de la prise d’effet de l’aliénation à titre onéreux […].
Au cours de cette période, la municipalité est en droit de mettre le fonds artisanal ou commercial en location-gérance, afin que son activité perdure. Si tel est le cas, le délai de rétrocession peut être allongé et porté à 3 ans.
Concernant la rétrocession d’un bail commercial, la commune doit prendre en charge les obligations liées à ce bail (paiement du loyer, des indemnités de licenciement…). Enfin, un bail commercial ne peut pas être résilié par le bailleur si le fonds de commerce n’est pas exploité.
Bon à savoir : si la commune n’a trouvé aucun repreneur dans le délai qui lui est imparti, l’acquéreur pressenti bénéficie d’un droit de priorité pour acquérir le fonds ou le bail.
Rétrocession d’un fonds de commerce, d’un fonds artisanal ou d’un terrain
La commune est tenue de rétrocéder le bien à une entreprise immatriculée au RCS ou au RNE. Elle doit afficher un avis de rétrocession en mairie pendant 15 jours. Cet avis est un appel à candidatures ; il doit comporter la description du fonds ou du terrain, le délai de dépôt des candidatures et le prix qui est proposé. Il doit préciser que le cahier des charges est consultable en mairie.
Enfin, le conseil municipal doit autoriser la rétrocession, par délibération fixant les conditions et donnant les motifs qui justifient la sélection du bénéficiaire. L’acte de rétrocession doit rester affiché en mairie pendant au moins 15 jours.
Rétrocession d’un bail commercial
La procédure est la même que pour un fonds de commerce, un fonds artisanal ou un terrain. Toutefois, une contrainte supplémentaire s’impose, à savoir l’obtention de l’accord du bailleur qui doit figurer dans l’acte de rétrocession. Pour ce faire, celui-ci doit recevoir, par lettre recommandée avec accusé de réception, le cahier des charges et le projet d’acte. S’il ne répond pas dans les 2 mois, son silence est considéré comme un accord.
Si le bailleur décide de s’opposer à la rétrocession, il peut alors former un recours gracieux auprès de la municipalité ou saisir en référé le président du tribunal judiciaire du lieu où se situe l’immeuble en location.
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