La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle est à l’origine de la création d’un nouvel article (R526-22) dans le Code de commerce. Il instaure, pour l’entrepreneur individuel, la notion de patrimoine professionnel distinct de son patrimoine personnel. Il dispose ainsi que « les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ». Zoom sur la définition et la mise en œuvre du patrimoine professionnel d’une entreprise individuelle.
Quels sont les avantages de la mise en place d’un patrimoine professionnel pour l’entrepreneur individuel ?
Depuis le 15 mai 2022, l’entrepreneur individuel bénéficie à présent de deux patrimoines et la séparation de ses biens personnels et de ses biens professionnels s’opère de plein droit, donc sans aucune formalité administrative. En cas de pluriactivité, il n’est créé qu’un seul patrimoine professionnel et il ne peut pas être scindé.
Cette opération s’effectue :
- soit lors de son immatriculation au RCS ou au RNE ;
- soit lors de la première utilisation de la dénomination de son entreprise.
Bon à savoir : l’entrepreneur individuel qui a démarré son activité avant le 15 mai 2022 jouit de la séparation de son patrimoine personnel et de son patrimoine professionnel à compter de cette date. Toutefois, il devra s’acquitter de ses dettes antérieures sur son patrimoine professionnel, mais aussi sur son patrimoine personnel.
Comment est définie la composition du patrimoine professionnel ?
Le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 a donné lieu à la création de l’article R526-26 dans le Code de commerce. Cet article énumère la liste des biens qui entrent dans le patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel.
Parmi cet inventaire qui n’est pas exhaustif, on peut citer :
- le fonds de commerce, artisanal ou agricole, ainsi que les biens corporels ou incorporels qui les constituent ;
- les biens meubles, c’est-à-dire les marchandises, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, les moyens de mobilité pour les activités itinérantes, de transport ou de livraison ;
- les biens immeubles qui servent à l’activité, y compris la partie de la résidence principale affectée par l’entrepreneur individuel à un usage professionnel ;
- les biens incorporels comme les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial, l’enseigne, les données relatives aux clients… ;
- les sommes en liquide conservées sur le lieu d’exercice de l’entrepreneur individuel (fonds de caisse par exemple), ainsi que les sommes figurant sur les comptes bancaires réservés à l’activité.
D’une manière plus générale, il faut retenir que tous les biens qui sont enregistrés dans un document comptable sont présumés faire partie du patrimoine professionnel. De même, tout ce qui n’est pas considéré comme faisant partie du patrimoine professionnel constitue le patrimoine personnel.
Bon à savoir : l’insertion de biens mixtes dans le patrimoine professionnel, c’est-à-dire des biens qui sont utilisés pour les besoins professionnels et domestiques (surface de la résidence principale dédiée à l’activité, véhicule…), peut s’avérer une source de contestation, sachant que le législateur a posé une règle de preuve favorable au créancier, lors de la mise en œuvre d’une procédure de saisie contre l’entrepreneur individuel.
Quelles sont les conséquences pour les créanciers personnels et les créanciers professionnels ?
Les créanciers personnels ne pourront obtenir le paiement des dettes de l’entrepreneur individuel en tant que particulier que sur son patrimoine personnel. Cependant, si celui-ci est insuffisant pour recouvrer l’intégralité de leur créance, ils ont la possibilité de faire jouer leur droit de gage sur le patrimoine professionnel, dans la limite du bénéfice réalisé par l’entreprise individuelle au cours du dernier exercice comptable clôturé.
Les créanciers professionnels ne pourront réclamer le règlement de ce qui leur est dû que sur le patrimoine professionnel.
Bon à savoir : certaines créances, comme celles de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale, sont réglées sur les deux patrimoines si l’entrepreneur individuel a commis des manœuvres frauduleuses ou en cas d’inobservations graves et répétées de ses obligations fiscales ou sociales.
Est-il possible de renoncer à la séparation du patrimoine professionnel et personnel ?
Il arrive parfois qu’un entrepreneur individuel ait besoin d’utiliser un élément de son patrimoine personnel pour garantir une dette pour les besoins de son activité professionnelle.
Dans ce cas, il peut renoncer à la séparation des deux patrimoines en respectant les modalités suivantes :
- il doit signer un acte de renonciation à la protection de son patrimoine personnel dans lequel figure l’engagement précis tant sur sa durée que sur son montant ;
- le document doit également être signé par le créancier et spécifier la date et le lieu.
Cet acte de renonciation est soumis à un délai de réflexion de 7 jours, sauf si l’entrepreneur y inclut une mention manuscrite indiquant qu’il décide de le réduire à 3 jours francs.
Quels sont les motifs mettant fin à la séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel ?
Le jour où l’entrepreneur individuel interrompt son activité, les deux patrimoines sont réunis. Cela signifie que toute personne détenant une créance antérieure à la cessation de l’activité est en droit d’en demander le règlement sur l’ensemble des biens professionnels et personnels.
Si l’entrepreneur décède alors qu’il est encore en activité, les patrimoines sont également regroupés et forment dès lors le patrimoine successoral. Les créanciers antérieurs retrouvent de ce fait un droit de gage sur l’intégralité des biens professionnels et personnels.
Bon à savoir : si au décès de l’entrepreneur individuel, il est constaté que son patrimoine professionnel est en état de cessation de paiement, à titre exceptionnel, seul ce patrimoine sera concerné par le redressement judiciaire.