Transmettre le fruit d’une vie de travail, ce n’est pas rien. Si vous êtes entrepreneur, artisan, commerçant ou dirigeant d’une société, l’idée de faire une donation d’entreprise vous a peut-être déjà effleuré l’esprit. Que ce soit pour passer la main à vos enfants, à votre conjoint ou à un proche de confiance, cette démarche peut s’avérer précieuse pour assurer la continuité de votre activité… mais elle ne s’improvise pas. Donation en pleine propriété ou en démembrement, pacte Dutreil, fiscalité avantageuse ou pièges à éviter : on vous accompagne pas à pas pour comprendre les grandes règles de la donation d’entreprise. Car transmettre, c’est aussi prévoir.
Peut-on faire une donation d’entreprise ? Une réponse simple : oui, mais...
Rassurons-nous tout de suite : faire une donation d’entreprise est tout à fait possible en France, que l’on parle d’un fonds artisanal, d’un fonds de commerce ou de parts sociales d’une société. Mais attention, cette opération suppose de respecter certaines conditions juridiques et fiscales pour éviter les mauvaises surprises.
Une entreprise est un bien comme un autre, certes, mais elle implique une multitude d’enjeux : succession, gestion future, fiscalité, voire conflits familiaux. Il est donc essentiel d’être bien entouré et bien informé pour anticiper et sécuriser cette transmission. Et c’est là que l’intervention de votre notaire prend tout son sens.
À qui peut-on donner son entreprise ?
Comme pour toute donation, vous pouvez transmettre votre entreprise à la personne de votre choix : enfant, conjoint, partenaire pacsé, frère, sœur, neveu, ami de longue date… Toutefois, le traitement fiscal diffère selon le lien de parenté.
Si vous donnez à vos enfants ou à votre conjoint, vous pouvez bénéficier d’abattements fiscaux conséquents, voire d’exonérations sous conditions. À l’inverse, une donation à une personne extérieure à votre cercle familial sera plus lourdement taxée. À méditer donc, même si la transmission d’une entreprise ne se résume pas à une histoire de chiffres.
Transmettre un fonds de commerce ou une société : quelles différences ?
La forme de votre entreprise va largement conditionner les modalités de la donation. Deux grands cas de figure :
Le fonds de commerce (ou fonds artisanal)
Il est composé d’éléments corporels (matériel, outillage…) et incorporels (clientèle, enseigne…). Vous pouvez en faire don à une personne physique, souvent votre enfant ou un repreneur désigné. La donation doit être constatée par acte notarié et faire l’objet d’une publicité légale.
Les parts sociales ou actions d’une société
Si vous détenez une société (SARL, SAS, SCI...), vous pouvez faire une donation de vos parts ou actions. Cette opération suppose une évaluation précise de la valeur des titres et, souvent, l’accord des autres associés si les statuts le prévoient.
Dans les deux cas, l’accompagnement du notaire est indispensable pour assurer la validité et la transparence de la transmission.
Le pacte Dutreil : l’allié incontournable pour alléger la fiscalité
Bonne nouvelle pour les donateurs soucieux d’optimiser leur transmission : le pacte Dutreil permet de bénéficier d’une exonération de 75 % des droits de donation sur la valeur de l’entreprise transmise.
Mais ce régime de faveur n’est pas automatique. Il suppose de remplir plusieurs conditions, notamment :
- S’engager à conserver l’entreprise pendant au moins 4 ans (et à l’avoir déjà conservée pendant 2 ans si elle a été créée récemment),
- Que l’un des bénéficiaires s’engage à exercer une fonction de direction dans l’entreprise pendant au moins 3 ans,
- Formaliser un pacte Dutreil, signé avant la donation ou dans l’acte lui-même.
Ce dispositif est particulièrement avantageux pour les transmissions entre parents et enfants, et permet souvent d’assurer la pérennité de l’activité familiale tout en réduisant considérablement les droits à payer.
Donation en pleine propriété ou démembrement : que choisir ?
Autre point crucial à anticiper : souhaitez-vous transmettre l’entière propriété de l’entreprise (pleine propriété) ou seulement une partie (nue-propriété ou usufruit) ?
- En pleine propriété, vous transmettez tous les droits : le donataire devient immédiatement propriétaire et gestionnaire de l’entreprise.
- En démembrement de propriété, vous pouvez conserver l’usufruit (donc les revenus et la gestion), tandis que le donataire reçoit la nue-propriété. Ce montage est souvent utilisé pour préparer la transmission tout en gardant le contrôle pendant un certain temps.
Le choix dépend de votre situation personnelle, de l’âge des bénéficiaires et de votre souhait de continuer (ou non) à piloter l’activité. Là encore, une analyse sur mesure est nécessaire.
Quelles sont les formalités pour faire une donation d’entreprise ?
Donner son entreprise ne se fait pas sur un coin de table. Il faudra notamment :
- Faire évaluer l'entreprise par un expert-comptable, un commissaire aux comptes ou via des méthodes reconnues.
- Rédiger un acte de donation obligatoirement par acte notarié si le bien est un fonds de commerce ou des parts sociales.
- Déclarer la donation à l’administration fiscale, afin de calculer les droits à payer, le cas échéant.
- Publier la donation, notamment si elle concerne un fonds de commerce, pour l’opposabilité aux tiers.
Et si vous pensez que tout cela est complexe, rassurez-vous : votre notaire vous accompagne à chaque étape, depuis l’analyse patrimoniale jusqu’à la signature de l’acte.
Donation d’entreprise et succession : un bon moyen d’anticiper les conflits
Transmettre de votre vivant, c’est aussi un excellent moyen d’éviter les tensions au moment de votre succession. En effet, une donation bien pensée permet de clarifier la répartition des biens entre vos héritiers, d’éviter les querelles, et parfois même… de préserver la paix des dimanches en famille.
Vous pouvez également prévoir une donation-partage, qui permet de répartir équitablement l’ensemble de votre patrimoine (y compris l’entreprise) entre vos enfants, tout en tenant compte de leur situation respective. C’est un outil précieux pour assurer l’harmonie successorale.
Donation d’entreprise : quels pièges éviter ?
Certaines erreurs peuvent coûter cher. Voici les plus fréquentes et comment les éviter.
- Mal évaluer l’entreprise : ce qui pourrait entraîner un redressement fiscal.
- Oublier les droits des autres héritiers : notamment en cas d’atteinte à la réserve héréditaire.
- Négliger la fiscalité : le pacte Dutreil, s’il est mal rédigé ou non respecté, peut être remis en cause.
- Donner à une personne non impliquée dans l’entreprise : cela peut nuire à la continuité de l’activité.
Heureusement, une donation bien encadrée juridiquement, avec l’appui de votre notaire, vous met à l’abri de ces faux pas.
Faire une donation d’entreprise, c’est bien plus qu’un acte juridique. C’est une démarche humaine, patrimoniale et familiale, qui mérite une vraie réflexion. Transmettre le fruit de votre travail, c’est transmettre aussi une vision, une aventure, parfois même un rêve.
Alors, prenez le temps d’en parler avec vos proches, et surtout, n’hésitez pas à consulter votre notaire. Il saura vous guider dans ce chemin, avec rigueur… et bienveillance.