La vente d’un bien immobilier par un débiteur ne met pas fin à ses obligations envers ses créanciers. Pour éviter que celle-ci n’affecte leurs droits, en raison de cessions mal encadrées, voire frauduleuses, le Code civil prévoit des mécanismes et recours pour garantir que les créances soient honorées, même après la vente du bien.
Créancier chirographaire et créancier privilégié
Un créancier chirographaire est un créancier qui n’a pas pris la peine de constituer des sûretés, tandis qu’un créancier privilégié bénéficie d’une sûreté en cas de défaillance du débiteur. Ainsi l’article 2375 du Code civil dispose qu’il existe trois types de sûretés sur les immeubles : « les privilèges, le gage immobilier et les hypothèques », sachant que l’hypothèque est considérée comme « la reine des sûretés ».
Droit de gage général des créanciers
Selon l’article 2284 du Code civil, « Quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». Ce principe, connu sous le nom de droit de gage général, signifie que les créanciers peuvent faire valoir leurs droits sur tous les biens du débiteur, y compris les biens immobiliers.
Ce droit de gage général est le seul que peut mettre en œuvre un créancier chirographaire. Dès lors, sa situation n’est pas sécurisée, car la solvabilité du débiteur est établie, non pas au moment de la naissance de la dette, mais à celui de l’exigibilité de celle-ci. Par conséquent, si le bien appartenant au débiteur défaillant a disparu de son patrimoine, le créancier ne sera pas en mesure de le saisir. De plus, s’il y a plusieurs créanciers chirographaires, ils sont alors en concurrence et ne peuvent espérer obtenir le recouvrement de leur dû qu’en fonction des fonds restants.
En effet, il existe un ordre de paiement des créanciers qui est le suivant :
- en général, ce sont les frais de justice qui sont réglés en premier, puis les créanciers superprivilégiés comme les salaires des employés ;
- viennent en second lieu les créanciers privilégiés ;
- enfin, les créanciers chirographaires arrivent en dernier.
Recours du créancier en cas de bien grevé d’une hypothèque
L’hypothèque est un droit réel sur un immeuble qui est affecté à l’acquittement d’une obligation. L’hypothèque conventionnelle est une hypothèque qui résulte d’une convention ; c’est souvent le cas lorsque le futur acquéreur d’un bien immobilier souhaite obtenir un prêt bancaire.
En cas de défaillance du débiteur, cette hypothèque permet au créancier qui a procédé à son inscription de recouvrer sa créance en faisant vendre l’immeuble grevé pour être payé en vertu du droit de préférence. S’il existe plusieurs inscriptions, c’est la première enregistrée qui sera prise en compte ; si toutes portent la même date, elles viennent alors en concurrence.
Le notaire a le devoir de garantir les droits des créanciers hypothécaires. Ainsi, en cas de vente, ils doivent être informés et peuvent intervenir pour demander le règlement de leur créance sur le prix de cession. Si cette procédure n’est pas respectée, le créancier pourrait engager la responsabilité du notaire ou du débiteur.
Bon à savoir : selon l’article 2393 du Code civil, une hypothèque « est, de sa nature, indivisible, et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles ». Dès lors « elle les suit dans quelques mains qu’ils passent ». C’est-à-dire que le créancier peut user du « droit de suite » pour recouvrer sa créance.
Recours du créancier en cas de vente frauduleuse
L’article 1341-2 du Code civil dispose que « Le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude ».
Cette voie de droit, nommée « action paulienne », a pour objectif la réintégration d’un bien immobilier dans le patrimoine du débiteur, ce dernier l’ayant aliéné à un tiers pour empêcher le créancier de faire valoir ses droits en saisissant le bien.
Pour exercer une action paulienne, il faut que trois conditions soient réunies :
- l’existence d’une créance certaine et exigible ;
- une vente opérée en fraude des droits du créancier ;
- la preuve que l’acquéreur du bien immobilier connaissait l’intention frauduleuse du débiteur.
Bon à savoir : cette action peut être intentée même si le débiteur n’est pas insolvable.
Saisie immobilière
Si le débiteur est en défaut de paiement et que ses biens constituent une garantie pour la créance, le créancier peut demander une saisie immobilière. Elle peut concerner n’importe quel bien, qu’il soit habité ou non.
Dès lors que le créancier est en possession d’un titre exécutoire, il est en droit de charger un commissaire de justice de procéder à la saisie avec l’envoi d’un commandement de payer la somme due dans un délai de 8 jours. À partir de la réception de ce document, le débiteur ne peut plus ni vendre ni donner le bien immobilier. Si celui-ci a été mis en location, il ne peut plus profiter du montant des loyers.
Vente amiable ou vente forcée
La vente amiable n’est réalisable que si le juge l’a autorisée. Il fixe alors le prix minimum pour la vente du bien ; c’est au débiteur de trouver un acquéreur. Elle permet au créancier de recouvrer son dû, mais aussi au débiteur de vendre son bien à un prix supérieur à celui déterminé par le juge.
Dans le cadre de la vente forcée, il s’agit d’une vente aux enchères et c’est le créancier qui établit le prix auquel le bien sera proposé. Si aucune enchère n’a lieu, ce dernier est déclaré adjudicataire et devient propriétaire du bien.
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