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Donation / Succession

Peut-on déshériter un enfant ?

La question de savoir s’il est possible de déshériter un enfant revient fréquemment dans les discussions sur les successions. En France, le droit protège les enfants en leur garantissant une part minimale dans l’héritage de leurs parents, grâce au principe de la réserve héréditaire. Pourtant, de nombreuses personnes s’interrogent sur la possibilité de contourner cette règle, notamment en raison de différends familiaux ou de choix personnels. Est-il possible de priver un enfant de son héritage ? Pour répondre à cette question, nous explorons les limites légales, les exceptions et les alternatives pour mieux comprendre les droits des héritiers réservataires.

La réserve héréditaire, une protection légale pour les enfants

En droit français, la réserve héréditaire est un mécanisme juridique qui garantit à chaque enfant une part minimale dans la succession de leurs parents, quelle que soit la volonté exprimée par ces derniers dans un testament.

La répartition de la réserve dépend du nombre d’enfants :

  • Un enfant : il a droit à la moitié de la succession.
  • Deux enfants : ils ont droit ensemble à deux tiers de la succession, répartis à parts égales.
  • Trois enfants ou plus : ils ont droit ensemble à trois quarts de la succession.

Le reste du patrimoine, appelé la quotité disponible, peut être transmis librement à des tiers, des proches ou des organisations.

En pratique, ce principe empêche un parent de priver complètement ses enfants de leur héritage, sauf dans des cas spécifiques que nous détaillons ci-dessous.

Peut-on légalement déshériter un enfant en France ?

La réponse est non, en principe, sauf exception. Contrairement à certains pays où il est possible d’exclure un enfant de son testament, le droit français protège strictement les héritiers réservataires.

Un parent ne peut donc pas, par testament ou donation, attribuer la totalité de son patrimoine à une autre personne ou organisation si cela empiète sur la réserve de ses enfants. Cependant, il existe quelques situations exceptionnelles qui peuvent conduire à une exclusion partielle ou totale d’un enfant.

Les cas où un enfant peut être privé de son héritage

Bien que la règle de la réserve soit rigide, certaines circonstances permettent de limiter ou de supprimer les droits d’un enfant sur l’héritage :

L’indignité successorale

Un enfant peut être exclu de la succession s’il est déclaré indigne. Cela concerne des situations graves, telles que :

  • Avoir commis un crime ou un délit grave contre le parent (par exemple, violence, meurtre ou tentative de meurtre).
  • Avoir porté atteinte à la mémoire du parent après son décès.

La déclaration d’indignité doit être prononcée par un tribunal. Dans ce cas, l’enfant perd son droit à la réserve héréditaire.

Donation ou avance sur héritage épuisant les droits

Si un enfant a déjà reçu de son vivant une somme ou un bien équivalant à sa réserve héréditaire, il ne pourra pas prétendre à une part supplémentaire lors de la succession. On parle alors de rapport des donations, qui permet de vérifier si les dons antérieurs ont respecté les droits des autres héritiers.

Clause de renonciation à l’héritage

Un enfant peut volontairement renoncer à sa part de réserve via une convention appelée renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR). Cette démarche est encadrée par la loi et doit être réalisée devant un notaire.

Peut-on contourner la réserve héréditaire ?

Certains parents, confrontés à des relations difficiles avec leurs enfants, cherchent des moyens de contourner la réserve héréditaire. Voici ce qu’il faut savoir.

Utiliser la quotité disponible

Bien que la réserve héréditaire soit intouchable, la quotité disponible peut être utilisée pour favoriser d’autres personnes. Par exemple, un parent ayant un seul enfant peut transmettre jusqu’à 50 % de son patrimoine à une autre personne ou entité de son choix.

Donations déguisées

Certains parents tentent de contourner la loi en réalisant des donations déguisées ou indirectes. Cependant, ces pratiques peuvent être remises en cause par les héritiers réservataires via une action en réduction.

Choix d’un régime matrimonial

Dans certains cas, le choix d’un régime matrimonial, comme la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant, peut réduire la part des enfants. Toutefois, ces clauses peuvent également être contestées si elles portent atteinte à la réserve.

Les recours pour un enfant lésé

Si un enfant estime que ses droits en tant qu’héritier réservataire n’ont pas été respectés, il peut engager une action en réduction. Cette procédure vise à rétablir l’équilibre entre les héritiers en annulant les donations ou dispositions testamentaires qui empiètent sur la réserve.

Pour engager une telle action, il est nécessaire de respecter certains délais :

  • 5 ans à compter de l’ouverture de la succession.
  • 2 ans à compter de la découverte de l’atteinte à la réserve.

Faut-il envisager une médiation familiale ?

Les conflits autour de l’héritage, notamment en cas de volonté de déshériter un enfant, peuvent être source de tensions importantes au sein de la famille. Avant d’envisager une action en justice, il peut être judicieux de recourir à une médiation familiale. Cette démarche permet de trouver un terrain d’entente et de préserver, autant que possible, les liens familiaux.

En France, la loi protège les enfants en tant qu’héritiers réservataires, rendant impossible leur exclusion totale de la succession. Cependant, des situations exceptionnelles comme l’indignité successorale ou des stratégies légales bien encadrées peuvent limiter leurs droits.

Si vous envisagez de structurer votre succession ou si vous avez des interrogations sur vos droits en tant qu’héritier, il est conseillé de consulter un notaire pour analyser votre situation.


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FAQ

Qu’est-ce que la réserve héréditaire ?
La réserve héréditaire est la part minimale de succession à laquelle les héritiers protégés (enfants, ou à défaut certains autres membres de la famille) ont droit. Même si vous rédigez un testament, vous ne pouvez pas empiéter sur cette réserve.
Qu’est-ce que la quotité disponible ?
C’est la portion du patrimoine dont vous pouvez librement disposer après avoir respecté la réserve héréditaire. Elle peut être léguée à d’autres personnes (conjoint, tiers, associations, etc.) ou renforcée pour un enfant particulier.
Existe-t-il des exceptions pour déshériter un enfant ?
Le seul moyen de priver un enfant de sa réserve est de faire constater son “indignité” successorale par un juge (par exemple en cas de crime envers le défunt). Hors de cette situation extrême, il n’est pas possible de déshériter un enfant en France.
Qu’appelle-t-on l’indignité successorale ?
L’indignité est une sanction judiciaire prononcée contre un héritier qui a commis un crime ou un délit grave envers le défunt (ex. : tentative de meurtre, abandon volontaire en danger). Dans ce cas, l’enfant perd ses droits dans la succession.
Qu’en est-il de l’enfant non reconnu ou né hors mariage ?
Les enfants, qu’ils soient issus d’un mariage, d’une union libre, d’un PACS ou reconnus tardivement, ont tous les mêmes droits successoraux dès lors que la filiation est établie.
Peut-on réduire la part d’un enfant ingrat ?
Le comportement affectif ou moral d’un enfant envers son parent n’a pas d’incidence juridique sur son droit à la réserve héréditaire. Vous ne pouvez pas le priver de sa part légale, sauf cas d’indignité avérée.
Comment favoriser un enfant sans léser les autres ?
Vous pouvez utiliser la “quotité disponible” pour avantager un enfant (ex. : lui léguer un bien immobilier, une somme d’argent, etc.). Toutefois, vous devez veiller à ne pas empiéter sur la réserve des autres enfants.
Est-il possible d’anticiper une répartition inégale via des donations ?
Oui, en recourant à des donations, vous pouvez attribuer des biens à un enfant de votre vivant. Cependant, lors de votre décès, ces donations seront réintégrées dans la succession pour vérifier le respect de la réserve héréditaire des autres enfants.
Que se passe-t-il en cas de succession internationale ?
Les règles de la réserve héréditaire française peuvent s’appliquer même si vous résidez à l’étranger ou si vous possédez des biens à l’international, sous certaines conditions. Il est vivement conseillé de consulter un notaire spécialisé en droit international privé.
Qu’est-ce que la renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR) ?
C’est un acte par lequel un enfant (héritier réservataire) accepte de ne pas réclamer ensuite sa part de réserve sur certains biens. Cette renonciation doit être faite devant deux notaires et reste un dispositif complexe, nécessitant un accompagnement professionnel.
Comment un enfant peut-il contester un testament ?
S’il estime que la réserve héréditaire est atteinte, l’enfant peut engager une action en réduction. Il doit alors démontrer que les dispositions du testament portent atteinte à ses droits légaux.
Le conjoint survivant peut-il recevoir plus qu’un enfant ?
Oui, par le biais d’une donation au dernier vivant ou d’autres montages (testament, clause de préciput, etc.). Toutefois, ces dispositions sont limitées par la réserve héréditaire des enfants et ne peuvent pas la réduire en dessous du minimum légal.