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Dirigeants & associés : Quelles sont vos responsabilités légales selon la forme de votre société ?

Créer, piloter ou détenir des parts d’une société engage plus que de simples décisions économiques. En France, les responsabilités légales des dirigeants de société et des associés couvrent des terrains complémentaires (civil, pénal, fiscal, parfois social), avec des conséquences qui peuvent toucher le patrimoine personnel. L’objectif de cet article est de vous donner une vision claire, concrète et actionnable, pour décider en connaissance de cause, anticiper les risques et savoir quand demander un accompagnement sur mesure.

Le socle commun : responsabilité civile, pénale et parfois fiscale du chef d’entreprise

En pratique, un dirigeant peut engager :

  • Sa responsabilité civile s’il commet une faute causant un préjudice à la société, aux associés ou à des tiers (ex. violation des statuts, mauvaise exécution d’un mandat, négligences graves).
  • Sa responsabilité pénale en cas d’infractions (sécurité, environnement, travail dissimulé, tromperies… et, en sociétés commerciales, l’abus de biens sociaux).
  • Une responsabilité fiscale solidaire exceptionnelle, lorsque des manœuvres frauduleuses ou des inobservations graves rendent impossible le recouvrement de l’impôt.

Le ministère de l’Économie propose un panorama clair des fautes pénales possibles du chef d’entreprise (fraude fiscale, faux, infractions douanières, environnementales…).

Ce que risquent les dirigeants (gérant de SARL, président de SAS, CA/Directoire de SA)

La responsabilité civile du dirigeant : les textes de base

  • SARL : le gérant est responsable individuellement envers la société et les tiers des fautes commises dans l’exercice de ses fonctions. Les associés peuvent, dans certains cas, engager une action sociale (article L223-22 du Code de commerce).
  • SA : le Code de commerce prévoit explicitement la responsabilité des administrateurs et des membres du directoire (faute de gestion, violation des textes…). (article L225-251).
  • SAS : les règles de responsabilité des dirigeants de SA s’appliquent au président et aux dirigeants de SAS. (article L227-8).

Concrètement, si un dirigeant viole la loi et/ou les statuts de sa société, ou commet une faute de gestion, il peut être condamné à indemniser la société, les associés ou des tiers.

L’action ut singuli : quand un associé agit au nom de la société

Si la société n’agit pas, un ou plusieurs associés peuvent exercer l’action sociale en responsabilité contre le dirigeant, pour réparer le préjudice subi par la société.

Procédures collectives : l’action en comblement de passif

En liquidation judiciaire, le tribunal peut condamner les dirigeants de droit ou de fait à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance. C’est la fameuse action en comblement de passif (article L651-2 du Code de commerce). L’outil est redoutable et très concret.

La responsabilité pénale : l’abus de biens sociaux

En sociétés commerciales, l’abus de biens sociaux (utiliser les biens et/ou les crédits de la société à des fins personnelles ou contraires à l’intérêt social) est un délit. D’autres infractions existent (sécurité, environnement…). Dans tous les cas, le pénal n’est pas assurable.

La responsabilité fiscale solidaire (cas exceptionnels)

Le président du tribunal judiciaire peut déclarer le dirigeant solidairement responsable des impôts et pénalités dus par la société, s’il a commis des manœuvres frauduleuses ou des inobservations graves et répétées ayant rendu impossible leur recouvrement (Livre des procédures fiscales article L267).

📌 À savoir : une assurance responsabilité civile des dirigeants (D&O) peut couvrir des frais de défense et certaines condamnations civiles (à bien calibrer avec votre conseil).

Ce que risquent les associés (selon la forme sociale)

Principe : la responsabilité dépend de la forme de la société

  • SARL / SAS : en principe, responsabilité limitée aux apports (on ne perd pas plus que ce qu’on a investi). (article L223-1 du Code de commerce)
  • SNC : responsabilité indéfinie et solidaire de tous les associés : chacun peut être poursuivi pour 100 % des dettes sociales (puis se retourner contre les autres). (L221-1 du Code de commerce)
  • Société civile (ex. SCI) : responsabilité indéfinie mais non solidaire (à proportion des parts) avec une poursuite subsidiaire : les créanciers doivent d’abord tenter vainement de se faire payer par la société. (article 1857 du Code civil)

Devoirs et risques spécifiques des associés

Être associé, ce n’est pas passif :

  • Libérer ses apports et respecter les statuts.
  • Voter dans l’intérêt social : l’abus de majorité (décision contraire à l’intérêt social, prise pour favoriser la majorité au détriment de la minorité) peut être sanctionné. À l’inverse, la Cour de cassation a rappelé qu’une décision prise à l’unanimité ne peut constituer un abus de majorité. (Cour de cassation 8 novembre 2023)
  • Décider en cas de pertes (ex. capitaux propres < 50 % du capital) : choix de poursuite, reconstitution ou dissolution selon la loi et les statuts.
  • Attention aux cautionnements personnels : ils “cassent” la barrière de responsabilité limitée.

Cas pratique : SCI patrimoniale

La SCI est très utilisée pour loger un immeuble. Gardez en tête : si la SCI ne peut pas payer, chaque associé peut être poursuivi à hauteur de sa quote-part, mais seulement après poursuites préalables et vaines contre la société. C’est un équilibre entre souplesse de gestion et responsabilité personnelle maîtrisée.

Pour cadrer votre projet, lisez notre guide : Découvrir les avantages de la SCI.

Dirigeants et associés : 7 réflexes pour réduire le risque

  • Soignez vos statuts (règles de pouvoirs, décisions collectives, clauses d’agrément/exclusion, conflits d’intérêts). C’est votre “constitution”.
  • Organisez clairement votre gouvernance (qui signe quoi ? qui décide quoi ?), surtout en SAS où la liberté statutaire est grande.
  • Tenez vos AG dans les formes (convocations, délais, procès-verbaux). À défaut, les décisions peuvent être contestées.
  • Respectez l’intérêt social (évitez l’abus de majorité, traitez toutes les parties de façon loyale).
  • Anticipez les difficultés : en cas de pertes, réagissez vite ; en cas de tension de trésorerie, parlez à vos conseils (ne laissez pas dériver la gestion : le comblement de passif est possible).
  • Sécurisez les conventions sensibles (notamment en SARL : interdictions/prêts au gérant, conventions réglementées) (article L223-21 du Code de commerce).
  • Évaluez une garantie D&O pour couvrir des frais de défense et certaines condamnations civiles, en complément d’une gouvernance rigoureuse.

Et si vous changiez de structure ou la direction ?

Modifier un organe de direction, accueillir un nouvel associé, adapter l’objet social… c’est fréquent et parfois nécessaire. Or, chaque modification statutaire doit être sécurisée pour éviter la remise en cause ultérieure : dissolution et liquidation d’une société : les règles à respecter.

Le bon réflexe : décider en connaissance de cause, documenter, se faire accompagner

Retenez l’essentiel : les responsabilités légales des dirigeants de société et des associés varient selon la forme sociale, la qualité (dirigeant/associé), et les faits (faute de gestion, violation des statuts, infractions, manœuvres fiscales…). Les textes sont précis, la jurisprudence évolue, et le coût d’un faux pas peut être élevé.

Un accompagnement notarial en amont (statuts, gouvernance, conventions, procès-verbaux) reste l’arme la plus efficace pour prévenir le risque et vous laisser vous concentrer sur votre activité.

FAQ

Quelles sont, en pratique, les responsabilités légales des dirigeants de société et des associés ?
Elles se répartissent en quatre blocs : responsabilité civile envers la société (faute de gestion, violation des statuts ou de la loi), responsabilité civile envers les tiers (seulement en cas de « faute séparable »), responsabilité pénale (ex. : abus de biens sociaux) et responsabilités particulières (fiscales avec solidarité possible, et entreprises en difficulté, ex. : comblement de passif).
Quand la société peut-elle engager la responsabilité civile de son dirigeant ?
Dès qu’il y a violation des textes applicables, violation des statuts, faute de gestion causant un préjudice à la société. Cette action existe en SARL, SA et SAS.
Un créancier ou un partenaire peut-il viser directement le dirigeant ?
Oui, mais seulement si le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions : c’est la fameuse faute séparable (ou détachable). C’est une exigence jurisprudentielle constante.
Qu’est-ce que l’abus de biens sociaux et qui est concerné ?
C’est l’usage, de mauvaise foi, des biens/crédits de la société à des fins personnelles ou contraires à l’intérêt social. Il est réprimé en SARL (L241-3) et en SA (L242-6) ; ces peines s’appliquent aussi au président/dirigeants de SAS (L244-1).
Qu’appelle-t-on dirigeant de fait et quels sont les risques ?
C’est la personne qui se comporte en dirigeant, sans mandat statutaire (impulsion et contrôle effectifs et constants). En procédures collectives, les dirigeants de droit ou de fait peuvent être condamnés au comblement du passif en cas de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif (L651-2).
Les associés sont-ils responsables des dettes sociales ?
Ça dépend de la forme : en SARL et SAS, leur risque est limité à leurs apports (L223-1, L227-1). En SNC, ils sont indéfiniment et solidairement responsables (L221-1). En société civile, ils sont indéfiniment responsables, mais subsidiairement et proportionnellement à leur part.
Un créancier peut-il poursuivre directement un associé de société civile ?
Oui, lorsque la dette sociale est exigible, le créancier peut demander aux associés leur quote-part, après poursuite de la société.
Que faire si les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social ?
Il faut consulter les associés dans les 4 mois suivant l’approbation des comptes pour décider la dissolution ou la poursuite et reconstituer les capitaux propres dans les délais.
Les prêts et avances d’une SARL à son gérant sont-ils possibles ?
En principe c'est interdit : le gérant ne peut obtenir de prêt, avance en compte courant ou cautionnement de sa société (L223-21). La violation expose à la nullité et à une action en responsabilité du gérant.
Responsabilité fiscale du dirigeant : dans quels cas suis-je solidaire des impôts ?
En cas de manœuvres frauduleuses ou inobservations graves et répétées rendant impossible le recouvrement de l’impôt par la société, l’administration peut demander au juge de déclarer le dirigeant solidaire (LPF L267).